MES ANCÊTRES ACADIENS - 15 AOÛT 2023



MES ANCÊTRES ACADIENS -

par Bernard Bujold



La culture acadienne était une communauté pacifique proche de la terre avec peu de moyens financiers. Pour cette raison, ils n'ont jamais porté les armes et n'avaient pas d'armée pour se défendre contre la déportation. Les Acadiens voulaient demeurer neutres dans la lutte pour le territoire que se faisait la France et l'Angleterre, ce qui provoqua leur déportation en 1755, plus de 65 ans après les premiers conflits. S'il avait pris parti, les Acadiens auraient soit gagné ou perdu, mais il n'y aurait pas eu de déportation.

Le premier Bugeauld à arriver en Acadie vers 1690 était originaire de la région de Saint-Ciers-du-Taillon, une commune du sud-ouest de la France, située dans Charente-Maritime (région Nouvelle- Aquitaine). Il avait quitté Larochelle où une guerre des religions faisait rage, et il se retrouva à Port-Royal et par la suite à Grand Pré en Nouvelle-Écosse dans une autre guerre, tout aussi violente et discriminatoire que celle des protestants contre les catholiques, celle des soldats anglais contre ceux de la France. Plutôt que vivre encore une fois en territoire de conflit, plusieurs familles acadiennes de Grand Pré et des environs ont décidé d’immigrer eux-même vers la Gaspésie au fort de Restigouche entre 1690 et 1755, avant la déportation forcée, dont mes propres ancêtres.

Pour souligner la Fête nationale des Acadiens, édition du 15 août 2023, j'ai choisi de republier une plaquette que j'avais publiée sur les médias sociaux en 2017: «MES ANCÊTRES ACADIENS». C'est un regard sur mes propres ancêtres acadiens lors des débuts en 1690, en passant par l’époque de la déportation de 1755, et jusqu'à aujourd'hui, illustré de quelque 55 photos de mon album personnel.

Une façon pour moi de rendre hommage à l'Acadie et de saluer mes deux enfants et mes deux petites filles.

Ce texte est mon histoire de descendant d’ancêtres acadiens.

Bernard Bujold - 15 août 2023


Le drapeau acadien est composé de trois bandes verticales en bleu, blanc et rouge avec une étoile de la vierge Marie dans la bande bleue. C’est en 1884, lors de la deuxième Convention nationale acadienne à Miscouche, à l’Île-du-Prince-Édouard, que le drapeau a été choisi.





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LA GASPÉSIE DE MON ENFANCE

J'ai grandi près de la mer et entouré par la forêt. Mon premier souvenir est celui des vaches qui venaient manger devant la maison. Des dizaines de vaches blanches et brunes avec une forêt en arrière d'eux comme toile de fond. Un autre souvenir est celui des marchands de poissons qui se promenaient devant chez-moi en camionnette et qui offraient de vendre du poisson frais à ma mère. Elle achetait souvent du maquereau qu'elle faisait cuire dans une sauce blanche.

L'enfance est probablement la plus belle période de la vie pour quiconque. Nous sommes pleins d'espoirs, de projets et de visions, et la vie nous apparaît encore comme mystérieuse, comme si on ne pouvait pas la toucher véritablement et qu'il nous faille courir pour la rattraper et en faire notre amie.

L'image qui me revient toujours à l’esprit lorsque je pense à la Gaspésie est une image de soleil, un vent rafraîchissant qui sèche le linge étendu sur une grande corde, et un ciel bleu pâle dans lequel se promènent de nombreux nuages blancs aux formes gonflées et ressemblant à des femmes gentilles comme des mères. Des femmes en voyage sans destination précise. Les nuages de beau temps me faisaient penser à des femmes, tandis que les nuages d'orage m'apportaient à l'esprit des idées d'hommes forts et sévères. J'observais souvent les nuages à partir d'une balançoire que mon père avait bricolée avec un vieux siège d'auto, qu'il avait peint en rouge...

Le climat de Ia Gaspésie est plutôt tempéré. La saison chaude ne dure que de juin à juillet. Les baignades dans la mer ne sont donc pas très longues. Dès le début d'août, les vents commencent et c'est déjà une sorte d'automne. Plusieurs champs sont cependant encore à pousser et certains travaux des récoltes ne débutent que vers la fin août et au début de septembre.


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Troupeau de vaches en face de la résidence familiale - 1970

Plage-grève à Saint-Siméon-de-Bonaventure - 1976


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MON PÈRE LE BÛCHERON

Mon père n'était pas un fermier, mais plutôt, un bûcheron. Je suis très près de la forêt et de la coupe du bois à cause de mon père. L'énergie qui entourait la chute au sol de l'arbre coupé par mon père était particulière, surtout pour un jeune garçon de 6 ans, âge à laquelle j’ai commencé à accompagner mon père en forêt..

Mon père possédait une terre où il cultivait la coupe du bois. Il le faisait cependant d'une manière artisanale et il se servait d'un cheval pour amener Ie bois coupé près du chemin de gravier, où le transport était alors effectué par camions, ou par tracteur. Léonard, mon père, faisait, deux sortes de coupes. Il coupait d'abord son bois de chauffage. Une récolte annuelle qui devait lui permettre de se chauffer pendant tout l'hiver. Ensuite, une ou deux fois par année, mon père faisait une coupe commerciale qu'il revendait à l'usine de sciage de New Richmond. Cette usine était la propriété de la compagnie anglaise: The Consolidated Bathurst.

Grandir parmi les arbres est ce qui se rapproche le plus du bonheur. Il y a dans la forêt, I'ensemble de Ia vie à tous ses niveaux. Lorsqu'on regarde une petite fougère côtoyer un tremble haut de cinquante pieds, l'on ne peut s'empêcher d'être songeur et de comprendre un peu la vie.

La forêt est mystérieuse, surtout pour les enfants, car pour les adultes elle semble être comme une vieille amie, qui n'aurait plus vraiment de secret à cacher. En tout cas, mon père semblait bien connaître Ia forêt et il n'en avait pas peur. Il lui parlait, et elle lui répondait. J'essayais bien moi aussi de parler à la forêt, mais la réponse était souvent comme celle d'un monstre méchant qui aurait voulu me raconter des peurs.

La forêt, lorsque je voulais m'y aventurer seul, était pour moi une sorte de jungle dangereuse tandis que pour mon père elle était une fidèle amie et les arbres comme ses frères.

Lorsque j'étais en forêt avec mon père, je n'avais jamais peur, car il me protégeait des géants cachés parmi les arbres!

On pourrait dire que mon père était la représentation vivante du poème acadien ÉVANGÉLINE par Henry Longfellow et de sa première phrase d'ouverture: "Salut vieille forêt... "
Mon père avait définitivement la forêt de l'Acadie dans son sang!

S'il y a un symbole représentant les Acadiens, ce sont les arbres! D'ailleurs, la première phrase du légendaire poème Évangéline commence par un salut aux arbres. Tout au long du poème, les arbres demeurent au centre du récit, soit pour leur beauté ou comme moyen de fuir et se cacher de l'occupation militaire anglaise.

J'ai grandi entouré d'arbres et pour mon père, un bûcheron gaspésien, c'était sa vie. Il aimait marcher sur sa terre à bois et il avait planté plusieurs arbres autour de sa maison du village de Saint-Siméon de Bonaventure, dont deux magnifiques mélèzes, l'arbre officiel des Acadiens, lesquels étaient installés de chaque côté de son entrée de terrain. Il appelait ses deux arbres: des violons, le surnom acadien pour le mélèze.

Chaque fois que je regarde des arbres, je pense à mon père et à la culture acadienne.

Les ancêtres de mon père étaient des Acadiens qui avaient fuient l’occupation anglaise pour venir se réfugier au fort français de Restigouche au Québec. Mon père (Léonard Bujold 1915-1976) était un descendant acadien dont les ancêtres directs étaient arrivés dans la Baie-des-Chaleurs avant la déportation de 1755.

Il faut se souvenir que l'armée anglaise interdisait formellement aux Acadiens, sous peine de mort, de quitter la région de Grand Pré, car on craignait que ceux-ci aillent rejoindre les soldats français positionnés dans la ville de Québec pour combattre l'Angleterre. L'armée anglaise organisa donc, en secret, une déportation maritime des Acadiens, d'abord au Fort Beauséjour en août et à Grand Pré le 5 septembre. On voulait les déporter le plus loin possible du territoire afin de les empêcher de rejoindre le Québec, mais aussi de les empêcher de revenir reprendre leur terre acadienne.

Un bon nombre d'Acadiens ont cependant réussi à s'enfuir de l'occupation militaire anglaise, par la forêt et par mer, au risque de leur vie, pour aller se réfugier au fort français de Restigouche et s’installer ensuite un peu partout à l'est de la Baie-des-Chaleurs. Mes ancêtres font partie de ceux qui avaient réussi à s'évader. Une douzaine de familles acadiennes fonderont la paroisse de Bonaventure en 1760, puis de Carleton en 1766.

Mon village de Saint-Siméon fut fondé en novembre 1914 lorsque plusieurs familles trouvaient trop loin le déplacement pour la messe du dimanche célébrée à l’église de Bonaventure. En 1913, les moyens de transport de l'époque rendant difficile l'accès à l'église de Bonaventure. Une communauté de citoyens habitant à l'ouest de la paroisse demanda aux instances religieuses du diocèse la permission de fonder une nouvelle paroisse. Le 21 novembre 1913, une requête fut adressée et prise en considération par l’évêque de Gaspé, Mgr André-Albert Blais, qui approuve cette démarche et le 1er mars 1914, on choisi le premier conseil de marguilliers de la paroisse de Saint-Siméon. C’est en novembre 1914 que la Municipalité de Saint- Siméon est officiellement créée.

C'est plus de 100 ans après la déportation, en 1881, lors de la première convention nationale acadienne qui eut lieu à Memramcook, que les élites acadiennes choisiront la date du 15 août pour souligner la fête officielle de leur peuple. Mais la véritable date de la déportation est le 5 septembre 1755 alors que les quelques 400 hommes acadiens vivant à Grand Pré avaient été convoqués à l’église à 15 heures pour la lecture d’une supposée missive royale. Les soldats anglais ont alors verrouillé les portes et le Lieutenant colonel John Wilson avait annoncé la déportation vers différentes destinations le long de la côte américaine dont la Louisiane. Le fait d’avoir verrouillé les hommes avait principalement pour but de les empêcher de rejoindre leur ferme respective où ils auraient pu prendre des armes artisanales, principalement des outils de la ferme, et se défendre contre les soldats anglais..

Ce n’était pas la première Déportation des Acadiens, car un mois auparavant, le 11 aout 1755, environ 400 autres Acadiens avaient été convoqués au fort Beauséjour, au Nouveau-Brunswick, et on leur avait annoncé la déportation du territoire.

La déportation de l’église de Saint-Charles-des-Mines de Grand-Pré est cependant devenue le symbole de la Déportation, en grande partie à cause du poète Henry Wadsworth Longfellow, qui a immortalisé l’événement dans son poème Évangéline.

Voir lien poème Évangéline: 

https://gutenberg.ca/ebooks/lemay-evangeline/lemay-evangeline-00-h.html



Enfermement dans l’église de Grand Pré des hommes acadiens - 5 septembre 1755

Déportation et destruction  des fermes acadiennes de Grand Pré - septembre 1755

Embarquement pour la déportation des Acadiens à Grand Pré- automne de 1755

Léonard Bujold  (6 novembre 1915 - 5 juin 1976)

Mélèze ( surnommé violon) arbre officiel des Acadiens

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LA MAISON DE MON ENFANCE

La vie de ma famille en Gaspésie durant les années 1960 était beaucoup rattachée autour de la maison et contrairement à la ville, en campagne les gens demeurent longtemps dans une même maison, souvent transmise d'un père à un de ses enfants.

Encore aujourd'hui, près de 70 ans plus tard, j'ai toujours à l'esprit de nombreux chaleureux souvenirs de ma vie dans la maison familiale que j'aurai habitée de ma naissance jusqu'à l'âge de mes 18 ans, avant mon départ pour Sept-Îles.

La vie rurale est différente de la vie urbaine.

En ville, les mythes et croyances populaires ne résistent pas vraiment le passage du temps, et ils sont toujours dévoilés au grand jour d'une manière ou d'une autre.

En campagne, je me souviens que les mythes, croyances populaires et superstitions étaient très présents dans notre vie quotidienne et souvent impossible d'en découvrir la vraie réalité. Mes deux parents étaient très superstitieux envers des croyances datant souvent de leurs propres ancêtres. La religion dominait beaucoup la vie et Ie curé du village était le véritable maître des lieux.

Mon père était un fidèle pratiquant catholique, tandis que ma mère ne fréquentait que très rarement l’égIise, préférant prier seule à la table de cuisine face à des images religieuses de la vierge Marie accrochées au mur. Chaque soir, il y avait aussi la récitation du chapelet en famille retransmis en direct à la radio régionale, CHNC.

Durant mon enfance, j'étais très impressionné par mon église de Saint- Siméon et par la hauteur du clocher. Ce fameux clocher tenait à son extrémité un coq de fer blanc. Un jour de grands vents en hiver, le fameux coq s'est retrouvé dans la cour de mon père, du moins les quelques pièces projetées jusqu'à là. Par la suite on a remplacé le coq par une croix en métal, plus solidement fixée et plus solide que le coq en fer blanc.

Le clocher de l’église et le son de ses cloches étaient très présents dans la vie de mon village gaspésien de Saint-Siméon pour animer la vie de l'endroit.

Mes souvenirs de l'église ne s'arrêtent cependant pas au clocher, et j'ai en mémoire le récit enflammé d'un curé en visite et provenant d'une maison de retraite située à Cap Noir, un curé qui était un acteur extraordinaire. Sa description de l'enfer, ses feux horribles et ses souffrances insupportables étaient surréalistes. Dans un sens, ce comportement créait la peur, mais aussi une sorte de divertissement...

Le curé visiteur venait dans notre village une fois par année, et les paroissiens l'attendaient avec crainte. Ils avaient aussi confiance en lui pour qu'iI les aide à éviter cet enfer cruellement horrible et brûlant. En y repensant un peu, je me rends bien compte que le discours était ciblé sur I'enfer et très rarement sur la beauté du paradis. Nos bons vieux curés croyaient probablement plus facile de convaincre par la peur, plutôt que par l'offre d'un paradis agréable et accueillant.

Mais le souvenir le plus marquant que je retiens de mon église est celui de l'ambiance intérieure durant les célébrations. Le silence pendant l'attente de l'entrée du curé, le silence avant de passer au confessionnal, le silence pendant I'arrivée des autres familles du village et I'observation des habits et coiffures de ces familles.

Mon père, comme tous les autres réunis dans l'église, n'hésitait pas à regarder l'habillement de l'un; le vieillissement d'un autre; remarquer la présence d’un visiteur, fils ou fille du village, qui avait quitté et habitait en ville. L’église était le lieu pour se tenir informé des dernières nouvelles!

Et il y avait aussi le banc en bois. II s'agissait d'une forme de réservation des places assises où chacune des familles louait un banc en particulier. Moyennant un paiement annuel, la famille avait le droit d'usage exclusif du banc durant les cérémonies du dimanche et des différentes fêtes religieuses. Mon père a eu pendant longtemps le banc numéro 5. Il l'avait acheté durant un encan. En fait, il avait acheté le droit de louer le banc...

Mon père s'assoyait au bord du banc, c’est-à-dire près de l'allée centrale, et moi je m'assoyais à ses côtés. Lors des rares occasions où ma mère était présente, elle s'assoyait aux côtés de mon père. Avec les excursions en forêt en compagnie de mon père, Ies moments assis ensemble dans le banc de l'église sont l'un des agréables souvenirs de mon enfance dont je me rappelle le plus. C'était comme si on acceptait, ensemble, de s'afficher devant tout le village; lui annonçant: « Voici mon fils! »; moi acceptant son message et disant: « Il est mon père. »

C'était une communication entre un père et son fils et le village.

J'apprendrai plus tard que mes ancêtres acadiens, les premiers arrivés en Acadie en 1690, étaient de religion protestante. Mes ancêtres étaient des huguenots, protestants du royaume de France et du royaume de Navarre pendant la guerre des religions de la seconde moitié du XVIe siècle, au cours de laquelle les protestants étaient en conflit avec les catholiques qui dominaient le territoire et qui étaient protégés par le roi Louis XIV.

On peut donc dire que malgré mon enfance dans un presbytère catholique, dans une vie précédente mes ancêtres avaient été protestants!

Le bureau de poste était Ie deuxième lieu d'échange et de rencontre de mon village. À l'époque de mon enfance, Ie courrier était livré au village par train, deux fois par jour, le matin et l'après-midi. Le train laissait un sac à la gare, et il en reprenait un autre. Un résident du village, voisin de la gare, prenait ce sac et l'apportait au bureau de poste pour la distribution aux destinataires. Les familles qui habitaient près du bureau de poste peuvent venir cueillir leur courrier deux fois par jour et jaser entre eux pour apprendre les dernières nouvelles. Les familles habitant loin du bureau de poste n'avaient cependant droit qu'à une seule distribution par jour à leur maison effectuée par camionnette et par le même individu qui avait apporté plus tôt les sacs de courrier de la gare au bureau de poste. Le bureau de poste remplaçait le journal ou la télévision. Les nouvelles, potins et rumeurs étaient transmis rapidement et d'une façon directe et personnalisée.

La vie rurale en Gaspésie était autrefois une vie individuelle où les familles cultivaient leur propre nourriture. Il n'y avait donc pas beaucoup de place pour les magasins. Ce n'est que plus tard avec le passage d'une économie agricole à une économie industrielle, que les magasins généraux ont pris une place plus importante, remplaçant même le bureau de poste comme lieu de rencontre du village. Chez nous à Saint-Siméon, c'est le magasin coopératif qui était le magasin général.

J’ai bien connu la coopérative, car j'y ai travaillé en tant que commis. Ma tâche consistait à entretenir et remplir les tablettes pour lesquelles j'avais été assigné. Un emploi qui n'était pas bien compliqué, mais qui me permettait de tout connaître quant aux activités de mon village. La coopérative était l'endroit par excellence pour jaser et découvrir toutes les aventures du village.

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Le maison familiale de Léonard Bujold - 1976




Le jardin de Léonard Bujold avec les deux arbres d'Acadie - 1976

L’auteur sur la terre à bois de son père à Saint-Siméon-de-Bonaventure - 1976


Église de Saint-Siméon-de-Bonaventure - 1976

Bancs des paroissiens de l’église de Saint-Siméon-de-Bonaventure - 2014

Vue aérienne de Saint-Siméon-de-Bonaventure - 1965

Presbytère de Saint-Siméon-de-Bonaventure - 1965

Coopérative de Saint-Siméon-de-Bonaventure— 1973

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LA VIE FAMILIALE

Mon père s'était d'abord marié en 1950 avec GEMMA POIRIER, la fille de Benoît Poirier et Suzanne Henri du rang 2 de Saint-Siméon. Le couple envisageait la vie avec tous les espoirs du monde.

Gemma est cependant morte à 31 ans en 1952, de complications avec le bébé qu'elle portait. Elle serait décédée parce que son bébé était mort dans son ventre. Selon ce que j'ai pu comprendre, mon père était profondément amoureux de Gemma et c'était réciproque de la part de Gemma, il y a avait un amour véritable entre les deux. Tellement que Léonard accepta de démonter sa maison construite sur sa terre du 4e rang pour la transporter et la remonter au village de Saint-Siméon.

L'époque de mon père était encore à celle des femmes au foyer et de l'homme travaillant sur la terre. La vie organisée reposait sur la propriété de terres et la culture de la ferme. Ce genre de vie ne semblait toutefois pas plaire à la première femme de mon père et elle était au-devant de son temps. Elle réussit à convaincre Léonard de déménager la maison nouvellement construite sur un autre terrain, lequel serait situé au centre du village. Mon père avait voulu au départ s'installer au rang 4, à une distance de 4 miles de la mer et du village, sur une terre qu’il avait achetée encore boisée au trois quarts et sur laquelle une grange était déjà construite pour I'élevage du bétail de ferme, mais sans la maison. La future ferme de Léonard était située à moins d’un quart de mile sur le même rang vers l’ouest que la maison de ses parents Élie et Louise. C’est sur cette même terre que mon père coupera plus tard son bois de chauffage et où il m'initiera à la forêt. Mon père adorait sa terre et c’est comme s’il regretta toute sa vie de ne pas être devenu un fermier cultivateur.

Ce fut toute une entreprise délicate que de transporter en quatre pièces détachées une maison de deux étages avec quatre chambres au deuxième, et trois grandes pièces au premier. Le transport se fit par Ia route et l'on rattacha simplement les pièces une fois rendu au village, pièces que l'on remonta comme une sorte de casse-tête sur une fondation de ciment.

La mort subite de sa conjointe deux ans après le mariage le plaça cependant face à une situation particulièrement douloureuse: il avait une maison au village pour faire sa famille, mais il n'avait plus de conjointe pour la créer!

Ma mère, Anita Cyr, était originaire d'un village avoisinant New Richmond, (St-Edgar) et elle provenait d'une famille de onze enfants. C'est cette maison au village (maison pour Gemma) qui aurait été offerte à ma mère lorsque mon père lui proposa le mariage en 1954. Anita Cyr avait alors 32 ans.

Cette maison était grande et elle permettait d'envisager d'y élever confortablement, une petite famille. Il faut, dire que déjà en 1954, la mode des grandes familles devenait de moins en moins populaire à cause du manque de ressources économiques. Un mouvement général d'éloignement de Ia terre par les familles gaspésiennes faisait en sorte que les gaspésiens devenaient de plus en plus dépendant du travail à salaire. Comme l'éducation n'était pas élevée, les salaires étaient fort modestes et les emplois rares, du moins pour la classe sociale qui était celle de mes parents.

Dans Ia vie, l'on choisit certaines choses, tandis que d'autres nous sont imposées.

Pour mon père, le décès de sa première femme lui fut imposé et il en fut très marqué. Il oublia un peu sa peine lors de son deuxième mariage lorsqu'il commença à voir naître ses enfants. Il se considérait presque heureux face à la vie avec sa famille composée de trois garçons, en bonne santé, intelligents et portant son nom. Il commença même à penser à la place que pourraient occuper les garçons dans le village! Peut-être y aurait-iI parmi eux un fermier? Il pourrait lui donner sa terre au rang 4.

Ses trois fils feraient de bons citoyens pour le village. Certainement trois familles qui prolongeraient le nom des Bujold qui était le sien.

La famille de mon père avait été formée de huit enfants tous établis dans le village, sauf un, Albert, qui avait quitté pour la ville et du travail dans un bureau à Shawinigan. Il faut dire qu'il était aussi le seul qui avait pu se dénicher une place dans un cours classique à Gaspé avec la promesse de devenir curé en échange... Mais les autres frères et la soeur de mon père vivaient tous à Saint-Siméon, chacun dans une maison bâtit de leurs mains avec le même plan commun dessiné par Élie, mon grand-père qui savait lire un plan de maison et mesurer les dimensions d'un bâtiment, mais ne pouvait pas lire ni écrire l’alphabet...

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Léonard Bujold (1915-1976)

La première femme de Léonard, Gemma Poirier (1921-1952)

La deuxième épouse de Léonard, Anita Cyr - (4 février 1922 - 5 septembre 2005)

Louise Paquet (1882-1967) et Élie Bujold (1878-1973) - 

mère et père de Léonard 



Maison de Léonard sur sa ferme du 4e rang à Saint-Siméon-de-Bonaventure - 1949

Maison de Léonard installée au village de Saint-Siméon-de-Bonaventure - 1950


Léonard et ses trois fils devant la maison familiale - 1965

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DRAME DANS LA FAMILLE

Un drame cruel se produit dans la vie de Léonard qui le marqua jusqu’à sa mort ! Son fils André fut diagnostiqué sourd.

Mon frère n'était pas né sourd et rien ne laissait croire qu'il serait handicapé lors de sa naissance ni durant les premières années de sa vie. Ce n'est que vers l'âge de quatre ans que les médecins avaient constaté une surdité chez André. Cet empêchement à bien entendre aurait été provoqué de suites de la maladie de la rougeole que toute notre famille avait contactée quelques années auparavant. Pour une raison inconnue, André fut le seul à subir des conséquences permanentes parce qu'il ne fut pas soigné suffisamment rapidement et il en résulta des dommages dans son canal auditif. Il faut dire que Ia qualité des soins de santé dans les années 60 en Gaspésie n'était pas très avancée.

Qu'est-ce que vous faites lorsque vous êtes parents, et que vous apprenez que votre enfant, celui qui est justement le plus beau, est soudainement handicapé et qu'il ne pourra pas grandir normalement au village? Il n'entendra jamais, il est sourd ! Qu'est-ce que vous faites, si vous placez toute votre fierté et toute votre joie dans la valeur que constitue votre famille et en particulier vos trois enfants? Cette tragédie de surdité, qui aurait été tragique pour quiconque, fut très dure pour mes parents et en particulier pour mon père. On lui demandait de se séparer de son fils de 4 ans et d'aller le reconduire à un Institut pour sourds installé quelque part à Charlesbourg, un village en banlieue de la ville de Québec.

La décision fut finalement prise d'aller reconduire André directement sur place à Charlesbourg pour la rentrée scolaire. Il serait alors âgé de 5 ans, mais comme mon père était trop attristé par la situation, iI fut décidé que ce serait ma mère qui ferait le voyage .

Sur place ce serait le beau-frère de mon oncle Albert qui la recevrait chez lui pour quelques jours. Il fut aussi décidé que je serais du voyage pour tenir compagnie à ma mère. Ce serait mon premier grand voyage alors que j'étais âgé de 10 ans. Le voyage se fit par train durant la nuit sur une distance de plus de 400 miles (643 kilomètres).

L'arrivée vers l’aube à Lévis fut dramatique à cause des lumières de la ville. Une fois entrés en gare à Lévis au petit matin, nous avions pris le traversier maritime pour se rendre au quai de Québec où nous attendait la connaissance de mon oncle. Encore aujourd'hui, je me souviens des lumières du port de Québec et du plancher en bois du traversier qui raisonnait sous mes pieds. Je n'avais jamais expérimenté un pareil phénomène et je me sentais bien éloigné de mon village. Le beau-frère du frère de mon père nous accueillit en nous offrant son salon comme chambre à coucher.

La découverte de la vie urbaine comparée à celle de la Gaspésie m’étourdissait. D'abord, il y avait les rideaux du salon, des draperies blanches, des voiles qui descendaient jusqu'au plancher. Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau. Les fenêtres étaient aussi différentes. Celle du salon était une grande vitrine qui donnait sur la rue en face de la maison. L'environnement extérieur était aussi différent et si en Gaspésie la distance entre les maisons est de centaines de pieds, ici à Québec il n'y avait que quelques pieds entre le mur des différentes maisons. Mais le plus nouveau, c'était le bruit. Le lendemain matin de notre arrivée de nuit à Québec, je me fis réveiller dès 7 heures par de nombreux klaxons des automobiles.

Ces klaxons étaient cependant pour moi comme une musique nouvelle, comme une mélodie jamais entendue auparavant.

Chez nous, en Gaspésie, j'étais habitué à un réveil rural avec le bruit des oiseaux en été, et le vent qui faisait craquer les murs de la maison en hiver. Les bruits de la campagne n'avaient rien de mécanique. Si la campagne n'est pas silencieuse, ses bruits sont cependant plus naturels et ils font comme partie de nous, de notre environnement un peu comme s'ils provenaient de notre âme intérieure. En ville, les bruits semblent provenir d'un environnement complètement éloigné de notre être.

Une autre différence qui me marqua beaucoup est la salle de bain. Il y avait d'abord le plancher de la salle de bain. Chez nous mon père avait aménagé lui-même une salle de bain au bout du corridor conduisant aux quatre chambres à coucher de l'étage. La pièce n'était pas grande et elle contenait à la fois la toilette, le bain et un lavabo. D'à peine 4 pieds sur 4 pieds, cette pièce avait néanmoins représenté pour ma famille le luxe. Elle avait remplacé pour mes parents une vieille cabane extérieure, cabane qui abritait une toilette en bois avec un trou au centre. Cette cabane était de petites dimensions, 3 pieds sur 3 pieds, et était installée au-dessous d'un grand trou creusé manuellement dans la terre.

Un autre détail important, en ce qui concerne Ia chambre de bain en Gaspésie, était le plancher. Comme cette pièce avait été aménagée par des moyens rudimentaires au bout d'un corridor, le plancher en bois n'était, pas complètement ni droit, ni solide. Pas plus d'ailleurs que tous les autres planchers de la maison gaspésienne. Toutes les surfaces en bois, dans toutes les pièces étaient comme des surfaces de mer. Les ondulations n'étaient pas fixes ou silencieuses et celles-ci variaient selon nos déplacements. Des bruits de craquement parfois musicaux provenaient des planchers auxquels venaient s'ajouter des mouvements de vagues. Ce mouvement est cependant normal, car le bois est une matière qui se transforme et qui bouge contrairement au ciment ou à l’acier.

À Québec, dans la maison du beau-frère de mon oncle, les planchers n'étaient pas en bois, mais en marbre. Ce n'était évidemment que du ciment genre béton poli et verni, mais cela ressemblait à du marbre pour le garçon de campagne que j'étais. La salle de bain n'était non plus dans une fin de corridor, mais installée au centre de la maison. Cette pièce était grande et elle faisait au moins 10 pieds sur 10 pieds. On pouvait même marcher à l’intérieur. Il y avait aussi une douche. La lumière intérieure était également différente et c'était comme un éclairage que je n'avais jamais vu auparavant.

Remarquez bien que le logement de notre hôte n'avait rien de luxueux. Un peu plus tard, Iorsque j'étais devenu un adulte et que je rendais visite à ces amis de Ia famille, je me devais de constater le degré moyen de la qualité de cette maison de Québec.

C'était un simple duplex de ville, bien bâti, situé dans un quartier résidentiel. La cour intérieure était modeste, environ 25 pieds de large sur 15 pieds de profondeur, et le balcon arrière qui donnait sur cette cour faisaient également office de hangar pour le rangement temporaire. Regardée de Ia rue, cette maison de deux logements avait I'allure d'une boite carrée recouverte de briques rouges. Cette résidence n'avait donc rien de luxueux. Le beau-frère de mon oncle n'était pas riche et il était un simple commis postal au bureau de poste central de Québec, mais pour le jeune enfant de 10 ans que j'étais à l’époque de ma première visite, sa maison projetait l'image d'un véritable luxueux et riche château!

Une autre différence marquante de ce premier voyage fut les habitudes alimentaires urbaines. Ma mère, qui avait, grandi sur une ferme, a toujours conservé un bon appétit bien développé. Elle avait d'ailleurs cette habitude particulière de ne pas servir les portions, mais de placer les mets au centre de la table pour un libre-service de chacun des convives.

En ville, Ia coutume est plutôt au service de portion pour chacun des invités du repas. De plus, le petit déjeuner se veut modeste comme l'impose le rythme rapide de la ville. Ma mère n'en revenait pas de ces repas contrôlés et elle ne savait pas s'il fallait avoir honte d'être aussi affamée comme elle l'était ou si c'étaient les hôtes qui étaient radins pour recevoir leurs visiteurs sur le plan des repas!

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Léonard Bujold et Anita Cyr - Saint-Siméon-de-Bonaventure -1968

Léonard et son fils André - 1968

Mon frère André et moi au déjeuner - 1970

André et son frère Raynald - 1967

Mon frère André - 1968


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LA DÉPORTATION GASPÉSIENNE -

L’institut des sourds où mon frère devait se rendre était situé à Charlesbourg, une agglomération urbaine aménagée en banlieue de la ville de Québec. L’institut ressemblait à un collège et il était gardé à l'entrée par une immense porte vitrée, mais verrouillée.

Le beau-frère de mon oncle vint nous conduire à l'Institut dès le lendemain matin de notre arrivée, afin que ma mère rencontre en personne le religieux, un frère oblat qui était le responsable de l’accueil des parents dont les enfants allaient fréquenter I'établissement spécialisé dans l'enseignement des enfants sourds.

Le religieux, un homme dans la trentaine avancée, nous reçut avec politesse et il nous fit visiter les lieux. Le collège pour sourds était vaste et il comprenait tous les services pour permettre d'être indépendant. Salle de buanderie, cafétéria pouvant recevoir des centaines de personnes. Ma mère se fit même inviter à diner ce qui ne manqua pas de lui plaire, car elle avait pu se servir elle-même, jusqu'à ce que sa faim soit satisfaite.

Il y avait aussi un immense dortoir où les lits étaient installés sans aucun mur pour les séparer entre eux. Finalement, nous avions visité la chapelle pour les messes du dimanche et une infirmerie pour soigner les résidents.

Ma mère rencontra le religieux en privé et elle discuta longuement avec lui. Il était question de processus d'inscription et de la méthode de paiement pour l'hébergement de mon frère pour qui les frais étaient payés en grande partie par le Gouvernement de la province à cause du peu de revenus de mon père. Il suffirait d'acheter les vêtements pour André.

Finalement, l'on discuta de la façon par laquelle ma mère, moi et le beau-frère de mon oncle quitterions I’Institut, mais en laissant mon frère sur place. Je ne comprenais pas tout du dialogue, mais je me souviens qu'il fut décidé que l'on partirait après le souper. Ma mère avait, sans doute voulu s'éviter un autre repas du régime offert par nos hôtes de Québec et la généreuse cafétéria était fort appréciée. Je compris aussi que le départ s'effectuerait à partir de l'infirmerie. Je ne sais plus trop pourquoi, mais c'est là que devait se faire la séparation.

Mon frère André avait été habillé de linge tout neuf, du pantalon à Ia chemise, incluant une casquette qui faisait ressembler l'enfant à une sorte de Prince de livre d'histoire. Cette casquette avait quelque chose de différent et elle donnait à mon frère une allure d'immigrant d'outre-mer, une figure de ressortissant italien arrivant dans le Nouveau Monde par bateau. J'ai encore à l'esprit la coiffure de mon frère lorsqu'il a enlevé sa casquette. Il n'était même pas dépeigné tellement ma mère y avait mis de la crème "BuiltCream".

Ces cheveux blonds coupés courts étaient remontés à I'avant et les raies tracées par le peigne faisaient ressortir une rousseur se mélangeant à sa couleur de blond.

Mon frère dû probablement sentir I'annonce d'un départ, car Iorsque vint le moment de se quitter, sans aucune raison particulière, il refusa de lâcher la main de ma mère. Cela était étrange, car tout le temps auparavant il s'était promené sans lui tenir la main et iI semblait se sentir totalement à l'aise dans ce qui serait son chez-lui pour les 12 prochaines années. En effet, il avait, 5 ans et il vivrait à l'Institut jusqu'à ses 17 ans en 1978.

Lorsque ma mère voulut sortir de la pièce où nous étions assis afin de quitter sans I'annoncer, ce fut comme un éclatement. Mon frère ne voulait pas laisser sortir ma mère et il s'y retenait à tour de bras. Pourtant le religieux avait bien dit que la méthode à suivre était de sortir de la pièce sans dire au revoir à l'enfant. Cela évitait les crises de pleurs et diminuait la peine de part et d'autre. Ma mère avait voulu suivre cette démarche, mais mon frère avait comme lu au travers de la pensée. Pourtant il était sourd, il n'aurait pas dû comprendre les conversations tenues avec le religieux. Comment se faisait-il que mon frère comprît qu'on veuille le laisser seul dans cet institut?

Finalement, un assistant au religieux a dû prendre de force la main de mon frère et le retenir pendant que ma mère, le beau-frère de mon oncle et moi sortions pour quitter l'endroit en courant. Mon frère tentait bien de s'arracher à cette prise de l'assistant et iI savait que Ie temps était compté. Il nous voyait courir derrière un mur vitré et il comprenait que nous étions en départ. Il devait penser: « Pourquoi m'abandonner ainsi? »

Je jetai un dernier regard derrière moi et je vis mon frère tenter désespérément de s'arracher de Ia prise qui le retenait prisonnier. Il me jeta un regard supplicateur et Ia rage qui en ressortait contenait à la fois le désespoir de la dernière chance. Pendant un moment j'ai comme entendu mon frère, lui qui ne parlait pas me crier: « Attendez-moi, ne partez pas sans moi ! Attendez, je ne suis plus sourd, j'entends bien. C'est une erreur, attendez, je veux aller avec vous."

La déportation des Acadiens de 1755 n'avait pas pu être plus cruelle que la déportation gaspésienne de mon frère en 1966!

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Église de Saint-Siméon de Bonaventure - 1966

Château Frontenac vue de Lévis, Québec - 1966

Institut des sourds - Charlesbourg, Québec - 1966

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L'AMOUR DE MON PÈRE ET DE MA MÈRE

Je n’ai rien oublié de l’amour de mon père Léonard et de ma mère Anita envers nous.

Ma mère était une femme courageuse et je me souviens qu’elle avait été la seule capable de reconduire mon frère André à l’Institut des sourds à Charlesbourg en 1966. Mon père n’en avait pas eu le courage et on se devait de le faire, car le sourd du village n’avait pas d’avenir en Gaspésie sinon de devenir un fou du village. Mon frère André était sourd et, si moi j'étais limité dans mes rêves par la pauvreté financière de mes parents, mon frère aura dû affronter, en plus, le handicap de ne pas pouvoir entendre. Malgré tout, il aura réussi à se marier et devenir le père d’un fils magnifique, Robin.

Mes plus beaux souvenirs de vies sont définitivement les moments passés avec mon père dans la cour extérieure de notre maison de Saint-Siméon, la balançoire rouge, le hangar de mon père et tous ses outils personnels, le bois de chauffage, le gazon, les nombreux arbres et les repas autour de la table. Les images de cette maison auront été un souvenir présent dans mon esprit durant plusieurs années après mon départ de Saint-Siméon.

Ma mère était une femme intelligente et la plus forte parmi toutes les femmes que j’ai connues et qui ont croisé mon chemin de vie. Elle fut mon inspiration pour ma passion de la photographie. Elle est décédée le 5 septembre 2005 après plusieurs années prisonnières de son lit, nuit et jour, dans un centre pour vieillards. La pire des fins de vie...

La vie humaine est une drôle de proposition. Pour quelques instants de bonheur, nous vivons de longues périodes de lutte et d’acharnement contre les obstacles au quotidien.

J'aime répéter que la vie est une proposition 90% -10%. De toutes nos actions de vie, moins de 10% seront significatives tandis que le 90% n’e seront qu'anecdotes et aventures sans lendemain. Voilà pourquoi il faut aimer ce que l’on fait de sa vie!

Si j'avais écouté ma tante qui était la servante du curé du village, je serais devenu un curé. J'ai grandi dans son presbytère que j'adorais, mais j'avais peur de la vie religieuse...
J'ai préféré le journalisme!

J'ai toujours possédé trois buts de vie: briser l'isolement de ma Gaspésie natale, communiquer avec le monde entier et essayer de le changer.

Je me souviens encore de ce matin ensoleillé de l'automne 1985, un an après la victoire électorale de Brian Mulroney du 4 septembre 1984, alors que je marchais en avant de l'Édifice Langevin à Ottawa en compagnie du Premier ministre du Canada. C’était le bonheur! L'équipe du premier ministre rêvait de changer le monde et nous étions comme une équipe de hockey qui aurait gagné la Coupe Stanley! Nous étions les champions de l’heure! Je me voyais comme un champion et je rêvais de changer le monde!

Le monde ne fut cependant pas changé, mais ce n'est qu'avec le vécu et l'expérience d'avoir essayé, que tous ceux qui rêvent de changer le monde s'aperçoivent que l'on ne change pas le monde, c'est le monde qui nous change!

J’ai vécu ce qu’avaient vécu les Acadiens des années 1700. Les colons d’origine française pensaient changer le monde en immigrant en Amérique sur une terre accueillante et belle. Plusieurs avaient quitté un pays victime des guerres de religion. Plutôt que de découvrir la paix, ils affrontaient un nouveau conflit, celui des Anglais contre les Français qui se disputaient pour l'Acadie... Les Acadiens n’avaient pas pu changer le monde!

Étrangement l’histoire de la vie de se répète continuellement, peu importe les régions du monde ou de ses peuples. J’ai souvent comparé la déportation des Acadiens de 1755 à la guerre de 2020 entre la Russie et l’Ukraine. Dans les deux cas, un peuple veut occuper le territoire d’un autre peuple et c’est le plus fort et le plus dominant qui déporte le moins fort et le dominé.

Si les Acadiens avaient mal résisté à la force militaire anglaise, d’autres peuples ont été plus chanceux dont l’Europe contre Hitler en 1940.

Il faudra voir la conclusion en Ukraine!

Statue Évangéline devant l'église de Grand Pré - Nouvelle-Écosse

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HISTOIRE DE LA VIE

Un de mes amis, un artiste peintre, d’origine gaspésienne comme moi, a dit que le seul
bonheur de la vie c’est l’amour et que c’est laseule conquête que nous devrions convoiter.

Mon regret de vie, c'est d’avoir souvent oublié l’essentiel de la vie, l’amour, pour plutôt
assister à tous ces évènements mondains. L'objectif de ma participation était toujours
de vouloir faire partie du groupe et de dominer le clan!

Si j'ai un conseil à donner, c'est celui de ne jamais s'imposer des activités pour plaire au groupe
ou au monde, ni pour dominer un clan. Il faut se plaire à soi avant tout, car la seule vie qui nous
appartient est la nôtre et il vaut mieux se faire plaisir à soi plutôt qu'au groupe.
Il faut être capable de parfois dire non aux appels mondains de la vie! J'en conclus d’ailleurs
que notre vie est faite à 90% des désirs sans importance pour notre vie, et cela inclut les guerres,
et que seulement 10% de nos choix de vie seront significatifs. On pourrait appeler cela la marge
de profit. Mais malheureusement, pour atteindre le 10%, il faut parfois dépenser son capital de vie!

L’on dit que l’âge et l’expérience aident à mieux mener notre vie et à faire de meilleurs
choix de vie. Cela est vrai, mais la vieillesse demeure un naufrage!
Il est vrai qu'avec l'âge, la perception des événements et des gens devient très précise.
Une personne âgée peut presque prédire l'avenir tellement son sens de l'interprétation
est connecté avec la réalité. Mais plus l'âge avance, moins une personne a de temps de vie
et d'énergie physique pour réussir ses défis et surtout se relever après les échecs.
La vieillesse n’est donc pas un atout et la plusgrande et la seule richesse de la vie est la jeunesse .

Si j’ai un conseil à donner à mes petits enfants, et à tous les enfants, c’est de profiter et
d’exploiter au maximum leur jeunesse. Surtout de faire les bons choix de vie!
Les décisions prises à l'âge de la jeunesse influenceront tout le voyage de la vie adulte.
La seule convoitise acceptable et valable est l’amour.

J'ai eu de beaux moments de vie quand j’ai essayé de faire ce que
j’aimais dans mon âme. Pour le reste, ce sont des anecdotes...

Bernard Bujold 15 août 2023, Montréal (Québec)
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David-Bernard Bujold et Stéphanie Bujold - Juin 1995 - Mont Tremblant, Québec

David-Bernard Bujold et Stéphanie Bujold - Juillet 1992 - Moncton, N.-B.

Cone d’un mélèze acadien

Drapeau acadien abandonné sur une plage de Shédiac, Nouveau-Brunswick



Maison familiale de Léonard Bujold à Saint-Siméon-de-Bonaventure - 2017




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Je dédie cette plaquette sur mes ancêtres acadiens à mes deux enfants, David-Bernard et Stéphanie, ainsi qu’a mes deux petites filles Ava et Emma.
                                 

Mes Ancêtres Acadiens - par Bernard Bujold (2023)

Dépôt légal à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Numéro ISBN: 978-2-9821799-6-7 


(Première édition publiée le 28 juin 2020) 





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NOTES COMPLÉMENTAIRES

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UN BUGEAUD HÉRO MILITAIRE FRANÇAIS -  





















La ville de Paris est sans contredit la plus belle ville du monde. J'aime particulièrement cette ville et comme bien d'autres je n'échappe à son charme historique.  
D'ailleurs au niveau de l'histoire,  j'ai toutes les raisons d'être fier car Paris a nommé une rue en l'honneur de ma famille, à tout le moins en l'honneur de mes ancêtres. 

En effet, si l'on remonte des Champs Elysée à partir de l'Arc de Triomphe, et que 'on suit l'Avenue Victor Hugo, l'on arrivera directement sur l'Avenue Bugeaud. 

Selon les historiens, le Maréchal Thomas-Robert Bugeaud fut un grand militaire français à qui l'on attribut l'invention de la stratégie militaire dite coloniale. 

Le Maréchal Bugeaud était un vétéran de l'époque de Napoléon et il aurait servi d'une façon importante durant la guerre d'Espagne. Il se retrouva en retraite forçée durant la Restauration Bourbon, époque qui précéda la défaite française. Il retourna dans l'Armée après la Révolution de 1830 et i1 passera quelques mois en Algérie dès 1836. Toutefois, son opposition à cette guerre l'empêchera d'occuper un poste important et il devra attendre jusqu'en 1839 pour obtenir le titre de Gouverneur général et plus tard être appointé Commandant en chef, nomination faite par le roi français Louis Philippe.
En 1840, Le Commandant Bugeaud dirigeait donc les troupes françaises en Algérie. Il aurait complètement transformé l'art de faire la guerre pour l'époque et plutôt que d'amener ses troupes à combattre en terrain ouvert, il développa la guerre d'usure par l'application d'attaques surprises au niveau des sources d'approvisionnement des Arabes. Il attaquait directement les points de ravitaillement militaire et diminuait ainsi la force Arabe par l'intérieur. L'on dit qu'en l'espace de quelques mois, le Commandant Bugeaud aurait complétement reviré la situation stratégique en faveur de la France. 
Le Commandant Bugeaud s'occupa également de ses propres hommes et l'on mentionne que sa première priorité une fois nommé chef militaire en Algérie fut de s'assurer que les soldats français reçoivent les soins médicaux adéquats lorsqu'ils étaient blessés. Selon les historiens, le morale des troupes françaises se serait rapidement amélioré suite aux actions de Bugeaud, situation qui aurait compté pour beaucoup dans la victoire française. 
La philosophie de Bugeaud aurait compris quatre thèmes: rapidité d'action, confiance en soi des troupes, qualités de leadership de la part des dirigeants militaires, et accès à un équipement militaire de taille (avoir suffisamment de munitions pour soutenir et gagner les attaques amorcées). 

VOIR BIOGRAPHIE THOMAS ROBERT BUGEAUD

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VIDEO ST-SIMÉON - 1
https://vimeo.com/100640153

VOIR VIDÉO ST-SIMÉON - 2
http://saintsimeonenmemoire.com/

GÉNÉALOGIE 


LIEN POÈME ÉVANGÉLINE PAR HENRY LONGFELLOW

LIEN HISTOIRE DU POÈME ÉVANGÉLINE


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HISTOIRE DE L'ACADIE

L'Acadie des origines à nos jours : synthèse historique

Acadie : l'origine du nom
Acadie est le nom donné au premier établissement français en Amérique du Nord. Selon les sources officielles, l'explorateur italien Giovanni da Verrazano, alors à la solde de la France, aurait été le premier à faire connaître cette région. Lors de son premier voyage au nouveau monde en 1524, il aurait donné le nom de Acadie à un territoire s'étendant le long de la côte atlantique près du Delaware actuel. Il fonde son choix de nom en référence à la beauté de la faune et de la flore. Il l'a compare aux plaines du Péloponèse dans l'ancienne Grèce, alors considérées comme un véritable paradis terrestre. Par contre, les cartographes du 16e siècle utiliseront plutôt le mot Arcadie et l'appliqueront aussi à la région comprenant maintenant les provinces maritimes du Canada. Mais la lettre "r" disparaîtra assez rapidement.

Acadie : l'Histoire

Le régime français et la première Acadie 1534-1713
Verrazano ne sera pas le seul explorateur à visiter l'Acadie avant les premières démarches officielles de peuplement. Après lui, Jacques Cartier, en 1534, demeure le plus connu puisqu'il visite et dresse la carte des régions acadiennes telles que la rive sud de la baie des Chaleurs et l'Île-du-Prince- Édouard. Bien que l'historiographie canadienne demeure hésitante à ce sujet, il est indéniable que les navires de pêche européens fréquentent le littoral acadien bien avant le début du 17e siècle. Quoiqu'il en soit, les historiens s'accordent sur la date de 1604 comme étant l'année où Pierre du Gua, sieur De Monts et Samuel de Champlain établissent un premier contingent de 80 hommes sur l'Île Sainte-Croix, située à mi-chemin entre le Nouveau-Brunswick et l'État du Maine. La démarche était devenue possible grâce à la décision de Henri IV, roi de France, d'utiliser le monopole de traite comme moyen de financer la colonisation.

L'hiver de 1604-1605 fut désastreux alors que le scorbut emporta au moins 36 hommes. C'est ce qui explique qu'au printemps 1605, la colonie déménage sur un site plus au nord dans la baie de Fundy, sur le versant néo-écossais. Le nouvel établissement est baptisé Port-Royal. Quoique l'année 1605- 1606 fut-elle aussi éprouvante, l'avenir s'annonce plutôt prometteur. Surtout dans un contexte de bonnes relations avec les Amérindiens Micmacs et leur grand chef Membertou. Mais de l'autre côté de l'Atlantique, les marchands français supportent mal d'être tenus à l'écart du commerce des fourrures, remettant en question le monopole de De Monts. Quoique la presque totalité des colons doivent retourner en France, Poutrincourt, de même que Claude et Charles de Saint-Étienne de La Tour, décident de maintenir leurs activités commerciales en Acadie.

Il n'y a pas que les rivalités commerciales qui nuisent alors au développement de l'Acadie. En juillet 1613, l'aventurier virginien Samuel Argall rase Port-Royal et Saint-Sauveur, autre petite colonie française située plus au sud. La même année, Québec subît un sort identique face à Argall. L'Acadie ne fait pourtant pas l'objet d'une occupation officielle, sauf pour quelques rares commerçants français. Même si les Anglais changent le nom de Acadie pour celui de Nova Scotia en 1621, ce n'est qu'en 1629 que les colons écossais de William Alexander s'installent pour de bon. La même année, la France nomme Charles de La Tour lieutenant-général en Acadie et ce dernier installe des forts au Cap Sable et à l'embouchure de la rivière Saint-Jean. Bien que la petite colonie écossaise connaît elle-aussi des moments difficiles, il semble toutefois qu'elle entretienne des relations amicales avec les Micmacs et les quelques Français fréquentant le territoire. Mais le projet de Alexander est coupé court par le Traité de Saint-Germain-en-Laye de 1632, permettant à la France de récupérer l'Acadie.

La relance de la colonisation française allait choir entre les mains du nouveau gouverneur de l'Acadie, Isaac de Razilly, arrivé en 1632. Accompagné de 300 hommes d'élite, il déménage la capitale de Port- Royal à La Hève, sur la côte sud de la Nouvelle-Écosse actuelle. Durant les trois années précédent la mort de Razilly en 1635, les quelques colons présents ont le temps d'installer de modestes infrastructures de pêche et quelques fortins. Razilly s'intéresse davantage au commerce maritime qu'à l'agriculture. Marin de profession, ses choix géographiques pour ses établissements obéissent plus à une vision maritime qu'à une vocation agricole. Un entrepreneur comme Nicolas Denys, venu avec Razilly, en profite pour entretenir des activités de pêche et exporter de la morue en Europe. Mais à la mort de Razilly, Charles de Menou d'Aulnay, commandant en second, tente d'asseoir son autorité de nouveau gouverneur. Pour ce faire, il estime nécessaire d'écarter Denys, mais ce sera beaucoup plus difficile dans le cas de Charles La Tour, solidement ancré à la Rivière Saint-Jean et au Cap-Sable. Avant d'entreprendre une véritable guerre civile contre La Tour, D'Aulnay déménage la capitale à Port-Royal, convaincu que l'avenir de la colonie réside dans le développement agricole qui assure l'auto-suffisance alimentaire et un peuplement plus stable. Durant son administration qui s'arrête brusquement à sa mort, en 1650, D'Aulnay est responsable de l'arrivée d'une vingtaine de familles. En 1671, la population acadienne se chiffre à environ 400 personnes.

Peu après la mort de D'Aulnay, l'Acadie connaît à nouveau les affres de la conquête en 1654 et demeure anglaise jusqu'au Traité de Bréda en 1667. Le nouveau gouverneur, Hector d'Andigné de Grandfontaine, prend possession du territoire en 1670. À compter de cette époque, des familles acadiennes commencent à quitter les environs de l'établissement mère de Port-Royal pour coloniser d'autres régions. C'est ainsi que sont fondés Beaubassin (Amherst, Nouvelle-Écosse) et Grand-Pré (Wolfville, Nouvelle-Écosse). Contrairement aux colonies anglo-américaines et canadienne, les Acadiens pratiquent une agriculture basée sur l'assèchement des marais en utilisant la technique des aboiteaux. L'Acadie péninsulaire d'alors n'est pas la seule région de peuplement français en Atlantique. À Terre-Neuve, la France installe de manière permanente des habitants-pêcheurs à son poste de Plaisance à compter des années 1660. À chaque été, une grande effervescence résulte de l'arrivée des navires de pêche métropolitains. Dès lors, des conflits éclatent entre les coloniaux et les métropolitains pour l'usage des graves, nécessaires aux activités d'apprêtage et de séchage de la morue. Si Plaisance centre son activité commerciale sur la morue, l'Acadie péninsulaire peut dorénavant se permettre d'exporter des surplus agricoles de manière illicite vers la Nouvelle- Angleterre.

De 1690 à 1710, les colonies françaises d'Acadie et de Plaisance sont l'objet d'attaques anglaises. En 1690, Sir William Phips s'empare de l'Acadie, qui redevient française par le Traité de Ryswick de 1697. Mais peu de temps après, les hostilités reprennent et ne cessent définitivement qu'avec le Traité d'Utrecht qui confirme la cession de l'Acadie et de Plaisance à l'Angleterre. La population acadienne se chiffre alors à environ 2 500 personnes. Ce traité met fin à la Guerre de la Succession d'Autriche (1701-1713), mais les négociations démontrent que la France et l'Angleterre éprouvent beaucoup de difficulté à s'entendre sur l'emplacement des frontières. Alors que la France limite l'Acadie à l'actuelle Nouvelle-Écosse péninsulaire, l'Angleterre y ajoute le Nouveau-Brunswick, le Maine et la Gaspésie actuelle.

Un voisinage difficile : l'Acadie anglaise et la nouvelle Acadie française 1713-1758
Suite à la perte de l'Acadie et de Plaisance, la France décide de relancer une deuxième phase de colonisation à l'Île Royale (Cap-Breton) et à l'Île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard). À l'Île Royale, Louisbourg est sélectionné pour le site de la nouvelle capitale. La construction d'une imposante forteresse débute en 1720. Cet établissement vise trois objectifs : un nouveau poste de pêche pour remplacer Plaisance, une solide présence militaire pouvant empêcher un blocus anglais du Saint- Laurent et finalement, une plaque tournante du commerce triangulaire. Quant à l'Île Saint-Jean, même si le comte de Saint-Pierre tente d'y pratiquer une importante pêche commerciale, on la considère davantage comme le grenier potentiel de l'Île Royale. Quoique les provisions du Traité d'Utrecht autorisent théoriquement le départ des Acadiens, ces derniers se montrent peu enclins à déménager dans les nouvelles colonies françaises. Ils s'y rendent en très petit nombre puisque les terres de l'Île Royale, entre autres, ne permettent pas l'agriculture avec les aboiteaux. Cette lacune favorise par contre la contrebande de produits agricoles en provenance de Beaubassin et, à un moindre degré, de Grand-Pré. En fait, la petite garnison d'Annapolis Royal (ancien Port-Royal) n'est pas en mesure de contrôler les activités commerciales acadiennes. L'Angleterre fait peu d'efforts pour favoriser la venue de colons anglais, du moins jusqu'en 1749, alors qu'environ 4 000 colons anglais s'établissent à Halifax, destinée à servir de contrepoids militaire et commercial à Louisbourg.

De 1713 à 1744, la timide présence anglaise et une longue période de paix, permettent à la population acadienne d'augmenter à un rythme dépassant les moyennes de l'époque. Ces progrès font dire à l'historienne Naomi Griffiths que ce fût peut-être l'âge d'or de l'Acadie. La deuxième moitié des années 1740 est cependant marquée par la guerre. Après l'échec français devant Annapolis Royal en mai 1745, Louisbourg tombe pour la première fois en 1745. Bien que le Traité d'Aix-la-Chapelle marque la restitution de l'Île Royale à la France en 1748, les Acadiens sont dès lors confrontés à des pressions croissantes pour prêter un serment d'allégeance sans condition à l'Angleterre. Depuis 1720, les Acadiens maintiennent une position de neutralité en insistant pour se limiter à un serment qui ne les engage pas à prendre les armes contre la France, l'Angleterre et les Amérindiens. L'historiographie plus récente offre un traitement plus objectif des implications d'un tel serment et de son importance aux yeux des Britanniques. Il implique un droit à la propriété, ce qui signifie que devant la justice anglaise, les Acadiens occupent illégalement leurs terres tant et aussi longtemps qu'ils refusent de se plier à la totalité des obligations du serment.

La période allant de 1749 à 1760 représente l'étape fatidique pour l'Acadie du 18e siècle. Afin d'affermir leur position aux confins de l'Acadie anglaise, les Français érigent le Fort Beauséjour (près de Sackville, Nouveau-Brunswick), peu avant la construction du fort Lawrence à moins de 3 kilomètres à l'est. En vertu de leur interprétation militaire de la situation, les Anglais de la Nouvelle- Écosse s'estiment exposés aux dangers d'un encerclement. Au nord, Louisbourg et le Canada, à l'Est, Beauséjour. Qui plus est, les autorités britanniques voient la population acadienne comme une menace potentielle de rébellion. Entre 1750 et 1755, cette population est évaluée entre 10 000 et 13 000 personnes. C'est donc en 1755 que les autorités britanniques de Halifax décident de régler une fois pour toute la question acadienne. Si cette population refuse de prêter le serment d'allégeance sans réserve, on envisage la déportation. C'est donc coincé entre les menaces anglaises et la crainte des représailles françaises et amérindiennes, par le biais de l'abbé Leloutre, que les députés acadiens doivent se rendre à Halifax pour comparaître devant Charles Lawrence, commandant en chef des troupes britanniques en Nouvelle-Écosse.

Selon l'historiographie, il semble que le refus initial des délégués de prêter serment ait convaincu Lawrence d'agir. Bien que ces derniers aient par la suite décidé d'accepter, Lawrence se dit insatisfait d'un serment prêté à contre-coeur. La décision d'appliquer les plans de déportation doit se lire dans un contexte continental et non seulement au niveau de Lawrence. Tout comme son état-major, il est conscient que les troupes anglaises du général Braddock viennent de subir une cuisante défaite contre des forces françaises et canadiennes dans la vallée de l'Ohio. Les craintes d'une attaque combinée de Louisbourg et Québec contre la Nouvelle-Écosse, à laquelle peuvent théoriquement se joindre les Acadiens et les Micmacs, justifie en quelque sorte, aux yeux de Lawrence, l'ordre de déportation. Déportation qui, une fois enclenchée, dure de 1755 à 1762 et éparpille la population acadienne, un peu partout dans les colonies américaines et en Europe. Le fort Beauséjour tombe en 1755, Louisbourg et l'Île Saint-Jean en 1758.

Les historiens estiment que le nombre de déportés peut se situer entre 7 000 et 10 000. Certains groupes d'Acadiens se retrouvent en France, d'autres en Angleterre et un nombre important décide de s'installer en Louisiane française. Quelques-uns se réfugient au Canada alors que d'autres préfèrent demeurer aux Maritimes en se cachant ou en exerçant une certaine forme de résistance comme, par exemple, Beausoleil Broussard. Un nombre important de déportés périssent en mer ou en exil. Mais partout où ils se trouvent, les Acadiens continuent d'exprimer un esprit communautaire fort, qui leur permet de surmonter les pires épreuves.

Le Traité de Paris de 1763 met un terme définitif à la présence de la France au Canada et aux Maritimes. Plus chanceux que les Acadiens, les Canadiens évitent la déportation. Ce traité marque la fin des hostilités et persuade un bon nombre d'Acadiens de revenir s'établir dans les Maritimes, maintenant sous le contrôle absolu des Britanniques.

Une Acadie des Maritimes, 1763-1880
À compter de 1763, la présence anglaise se fait sentir partout aux Maritimes, ne serait-ce que par l'anglicisation de plusieurs noms de localités françaises ou amérindiennes. D'un point de vue administratif, l'ensemble des Maritimes est d'abord regroupé sous le giron d'une seule province, la Nouvelle-Écosse. Mais dès 1769, l'Île Saint-Jean acquiert ce statut et devient la province de Saint John's Island, nom qu'elle conserve jusqu'en 1799 alors qu'on la rebaptise Île-du-Prince-Édouard. Plus à l'ouest, en 1784, en bonne partie pour accommoder les milliers de Loyalistes arrivés après la Révolution américaine, on détache un autre territoire que l'on nomme Nouveau-Brunswick.

Le rétablissement des Acadiens n'est pas chose facile et son histoire continue de s'écrire. D'abord, théoriquement, ils devaient prêter le serment d'allégeance à la couronne britannique. Parmi ces groupes d'Acadiens, plusieurs reviennent d'exil, d'autres sortent de leur cachette alors que certains sont libérés des camps d'internement de Beauséjour, Pisiguit, Port-Royal et Halifax. De manière générale, les régions d'établissement choisies par les Acadiens sont celles où l'on retrouve encore la grande majorité de leurs descendants aujourd'hui. Des régions de l'arrière-pays seront toutefois colonisées entre 1880 et 1940.

Au Cap-Breton, les Acadiens s'installent surtout à l'Île Madame et à Chéticamp. En Nouvelle-Écosse péninsulaire, le gros de la population d'origine acadienne choisît le sud-ouest soit la Baie Sainte-Marie et la grande région du Yarmouth actuel. Un nombre moindre s'installe à l'Île-du-Prince-Édouard alors que la majorité opte pour le Nouveau-Brunswick. Dans le cadre de ce retour, les autorités britanniques préfèrent voir les Acadiens éparpillés sur l'ensemble du territoire. Les Acadiens eux- mêmes semblent s'accommoder de cette directive qui, automatiquement, leur permet d'éviter les régions à majorité britannique qui, dans la plupart des cas, occupent les anciennes terres des Acadiens.

Cette nouvelle Acadie des Maritimes est donc concentrée sur le littoral, tournée vers la mer mais confrontée à des sols beaucoup moins fertiles que ceux occupés avant 1755. De par la force des choses, la pêche et l'industrie du bois deviennent des activités économiques prédominantes alors que l'agriculture en est une à caractère de subsistance, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard et du Madawaska, où les sols permettent même une agriculture commerciale. L'arrivée de marchands anglos-saxons et anglos-normands a pour effet d'intégrer les pêcheurs acadiens dans une économie de marché mais seulement à titre de producteurs. Ils ne possèdent pas les capitaux leur permettant de se hisser eux-mêmes au rang d'exportateurs.

Sur la scène politique, de par leur statut de catholique, les Acadiens se voient privés du droit de vote et de siéger comme membre d'une législature provinciale. Même que de 1758 à 1763, ils ne peuvent détenir légalement des terres. Les Acadiens de la Nouvelle-Écosse obtiennent le droit de vote en 1789, ceux du Nouveau-Brunswick et leurs frères de l'Île-Prince-Édouard en 1830. À compter de ce moment-là, les Acadiens des trois provinces peuvent siéger dans les législatures. Il n'en demeure pas moins que les Acadiens de l'Île-du-Prince-Édouard et de certaines régions du sud-est du Nouveau-Brunswick sont confrontés aux embûches légales imposées par de grands propriétaires fonciers anglais. Dans certains cas, ils choisissent de s'établir ailleurs alors que ceux qui restent finissent par obtenir gain de cause et font reconnaître leur droit de propriété.

Si au début du 19e siècle, de manière générale, les Acadiens aspirent surtout à des objectifs de subsistance, quelques-uns d'entre-eux dépassent ce stade. De 1780 à 1840, une petite cohorte de leaders locaux émerge. Possédant une éducation rudimentaire, ils réussissent à participer aux activités commerciales inter-régionales avec leurs voisins anglophones. Plusieurs contractent des mariages qualifiés d'avantageux, du moins pour leur permettre d'exercer une influence sociale significative dans leur milieu. Entre autres exemples, Simon d'Entremont et Frédéric Robichaud siègent à la législature néo-écossaise durant la période 1830-1850 alors qu'au Nouveau-Brunswick, Othon Robichaud de Négouac et Joseph Goguen de Cocagne s'avèrent comme étant des exemples types du notable acadien de la nouvelle Acadie des Maritimes.

Il n'en demeure pas moins que l'Église missionnaire catholique est alors la seule réelle institution francophone à laquelle peuvent s'identifier les Acadiens. Ces missionnaires, Français ou Canadiens- français, ont parfois beaucoup de difficulté à exercer leur contrôle dans certaines régions acadiennes jugées plus réfractaires à leur autorité. Les écoles françaises sont très rares et l'on note la présence de maîtres-ambulants, témoignant de leur savoir d'un village à l'autre. On ne compte alors pratiquement aucun Acadien qui soit médecin ou avocat et il n'y a pas encore de journal acadien. Les Acadiens profitent néanmoins d'une première reconnaissance sur la scène internationale, grâce au poème de l'Américain Henry W. Longfellow, Évangéline, publié en 1847. Une décennie plus tard, l'historien français Edmé Rameau de Saint-Père, publie une synthèse historique de la présence française au Canada. Une bonne partie de cet ouvrage porte sur les Acadiens.

Il semble alors plus facile d'établir des collèges privés que d'instaurer un système d'écoles publiques. C'est ainsi qu'en 1854, l'abbé François-Xavier Lafrance, d'origine québécoise, inaugure la première institution d'enseignement supérieure de langue française, le Séminaire Saint-Thomas. L'abbé Gagnon tente en vain d'établir un collège dans la région de Shédiac durant les années 1830. Situé à Saint- Joseph, au sud-est du Nouveau-Brunswick, le Séminaire Saint-Thomas ferme ses portes en 1862 pour ré-ouvrir en 1864 sous les bons soins d'une congrégation québécoise, les Pères de Sainte-Croix.

Peu de temps après, en 1867, un Québécois, Israël Landry, lance le premier journal francophone aux Maritimes; le Moniteur Acadien, situé à Shédiac, toujours au sud-est du Nouveau-Brunswick. Les Acadiens se dotent ainsi d'outils fondamentaux à leur reconstruction sociale; un collège qui formera les prochaines générations de leaders cléricaux et un journal qui permettra de communiquer et d'apprendre à mieux se connaître. C'est au cours de cette même année que les Acadiens se font remarquer de manière percutante sur la scène politique des Maritimes. En effet, les régions à majorité acadienne du Nouveau-Brunswick votent à deux occasions contre le projet d'une confédération canadienne. Si bon nombre de politiciens les taxent de réactionnaires, il n'en demeure pas moins qu'ils ne furent pas les seuls citoyens des Maritimes à s'opposer à la Confédération puisque certaines régions côtières de la Nouvelle-Écosse la rejetèrent et l'Île-du-Prince-Édouard n'y adhère qu'en 1873. Cette relative précarité socio-économique n'empêche pas l'essor démographique des Acadiens. Au début du 19e siècle, ils sont 4 000 en Nouvelle-Écosse, 700 à l'Île-du-Prince-Édouard et 3 800 au Nouveau-Brunswick. En 1867, les trois provinces Maritimes comptent environ 87 000 habitants d'origine française.

Projets nationaux et enjeux socio-économiques, 1881-1950
Durant les années 1860, une classe moyenne acadienne commence déjà à se constituer. Bien que le Collège Saint-Joseph allait certes contribuer à former l'élite intellectuelle, l'historienne Sheila Andrew estime qu'il existe en fait au moins quatre catégories d'élites en Acadie. Les deux plus en vue sont sans doute le clergé et les membres des professions libérales. Mais même si les fermiers et les commerçants ne bénéficient pas de capitaux aussi importants que les anglophones exerçant ces mêmes occupations, certains Acadiens fermiers et commerçants se démarquent.

Chez ces élites, ce sont le clergé et les membres des professions libérales qui orchestrent les structures aptes à définir les grands projets nationaux. À compter de 1881, les Conventions nationales acadiennes servent de forum permettant d'établir des consensus autour de grandes priorités. Entre autres, la promotion de l'agriculture et de la colonisation pour contrer l'émigration, l'éducation en français et l'acadianisation du clergé catholique aux Maritimes. Jusque vers 1930, les congrès sont tenus de manière intermittente dans différentes localités acadiennes des Maritimes. C'est de là qu'émergent les symboles nationaux que sont le drapeau, l'hymne national, la fête nationale et la devise "l'union fait la force". Parmi les grandes victoires des promoteurs de la cause acadienne, mentionnons la nomination du premier évêque acadien en 1912, Mgr Edouard LeBlanc.

La période 1881-1950 marque un tournant socio-économique important pour les Acadiens, soit leur intégration dans le processus d'industrialisation et d'urbanisation canadien. Bien que les migrations d'Acadiens et d'Acadiennes de la campagne vers les villes soient moins importantes que chez les anglophones, un bon nombre d'hommes et de femmes francophones s'installent à Moncton, Yarmouth, Amherst ou encore, dans des villes de la Nouvelle-Angleterre pour s'initier au travail en usine. Plusieurs membres du clergé et de l'élite y voient un grand danger d'assimilation à la masse anglo-saxonne. Les mouvements de colonisation des années 1880 et 1930 sont destinés à endiguer l'exil, à détourner les Acadiens des pêcheries contrôlées surtout par des compagnies étrangères ou encore, à soulager certaines familles des dures réalités de la crise économique des années 1930. D'ailleurs, les pêches sont peu valorisées par l'élite et le clergé avant les années 1920. Ce secteur de l'économie connaît un souffle nouveau avec l'implantation du régime coopératif. Lancé durant les années 1930 par l'Université Saint-François-Xavier, ce mouvement de renouveau social permet à des communautés de pêche telles l'Île Madame, Chéticamp ou encore Lamèque, de prendre en charge une partie importante de l'activité de pêche de leur région.


Bien que l'historiographie demeure discrète à ce sujet, il est indéniable que les Acadiens participent activement aux deux grandes guerres mondiales même si des chiffres sûrs demeurent difficiles à circonscrire. Jusqu'à maintenant, l'histoire à surtout retenu leur opposition à la conscription lors des deux grandes guerres. La période 1881-1950 voit aussi l'émergence de certaines caractéristiques régionales dans les communautés acadiennes des provinces Maritimes. La réalité démographique favorisant les Acadiens du Nouveau-Brunswick; ce sont surtout eux qui portent le flambeau lors des grands combats pour l'avancement de la cause acadienne.

L'Acadie contemporaine, 1950-1997
Depuis les années 1950, l'Acadie du Nouveau-Brunswick s'est dotée d'outils de revendication et de développement plus rapidement que les autres régions acadiennes en Atlantique. Bien que des organismes comme la Société Nationale de l'Acadie et la Société des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick aient été des éléments clés dans les revendications acadiennes, il faut surtout souligner l'importance du poids démographique acadien. Composant environ le tiers de la population provinciale, les Acadiens furent en mesure d'élire plusieurs des leurs à la législature provinciale et à la Chambre des Communes à Ottawa.

D'une certaine manière, l'Acadie, particulièrement au Nouveau-Brunswick, a elle aussi vécu sa révolution tranquille. Durant les années 1950 et 1960, les Acadiens du Nouveau-Brunswick obtiennent des stations de radio et de télévision de la Société Radio-Canada, à Moncton, fondent une université au même endroit et contribuent à élire le premier Premier ministre acadien à la tête de la province, le libéral Louis J. Robichaud. À cela s'ajoutent un quotidien francophone, l'Évangéline, de même qu'un système d'écoles publiques francophones et des hôpitaux dans la majorité des régions acadiennes d'importance.

Le gouvernement Robichaud, grâce à son programme innovateur de "chances égales pour tous", contribue grandement à la mise en place de ces infrastructures. À la même époque, la jeunesse étudiante acadienne manifeste son opposition à l'establishment anglophone de Moncton en exigeant des services municipaux en français.

Bien que les communautés acadiennes d'ailleurs en Atlantique ne puissent s'appuyer sur des assises démographiques comparables à celles du Nouveau-Brunswick pour obtenir des réformes au même rythme, elles réussissent tout de même à se faire reconnaître le droit à l'enseignement en français et l'accès aux services de radio et de télévision française de Radio-Canada. La Nouvelle-Écosse et l'Île- du-Prince-Édouard comptent toutes deux un journal hebdomadaire et dans la première province, les Acadiens peuvent fréquenter l'Université Sainte-Anne de Pointe-de-l'Église.

Malgré le long chemin parcouru depuis la déportation de 1755, l'Acadie des Maritimes se devra de relever d'autres défis au cours des prochaines années. L'éducation en français n'est pas forcément un fait acquis partout puisqu'en Nouvelle-Écosse, des groupes de parents acadiens ne semblent pas convaincus du bien-fondé d'un enseignement exclusivement français alors qu'à l'Île-du-Prince- Édouard, le gouvernement provincial se fait tirer l'oreille pour fournir des locaux adéquats pour les francophones de Summerside.

Également, considérant l'option souverainiste au Québec et le peu de sympathie envers le bilinguisme chez les Réformistes de l'Ouest, il est fort à parier que les Acadiens devront batailler ferme pour conserver certains acquis au niveau fédéral .


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